Xavier Hautbois

Xavier Hautbois, « Le son 'humainement' organisé », in J.-M. Chouvel, X. Hascher, Esthétique et cognition. Paris, Publication de la Sorbonne, 2013, p. 339-361.

Introduction

Dans son manifeste pour un nouvel enseignement de la musique qui intègrerait une dimension sociale, How musical is man ?, John Blacking tire de son expérience de la musique des Vendas une approche anthropologique de la connaissance. La définition générale qu’il propose de la musique, en tant que son « humainement » organisé, lui attribue une origine à la fois sociale et biologique. Il nous dit que « Bien des processus essentiels de la musique, sinon tous, peuvent se déceler dans la constitution du corps humain et dans des structures d’échanges des corps humains en société »[1]. En effet, si les organisations sociales engendrent des expressions musicales dont on reconnaît la singularité, on est en droit de penser que des éléments biologiques, organiques ou relevant de la psyché humaine, sont incorporés dans la musique, par delà les cultures, permettant d’envisager l’hypothèse d’une organisation en catégories. Le débat est ancien et s’est dressé dès l’origine de l’ethnomusicologie. La question se pose de savoir dans quelle mesure ces catégories sont réellement indépendantes des cultures. Les éléments de structuration du discours musical de tradition écrite peuvent-ils avoir quelque valeur dans des systèmes de tradition orale ? Si c’est le cas, il s’agit alors de catégories cognitives qui, par une approche rationnelle ou empirique, sont susceptibles de se manifester dans d’autres domaines d’expression de l’intelligence. Nous tenterons d’apporter quelques éléments de réflexion autour de ces questions.

[1] J. Blacking, Le sens musical (How Musical is man?), réimpression [1re éd. 1973], Paris, Les éditions de minuit, 1980, p. 8.